SERIGNE SALIOU GUEYE - « Le Témoin » N° 1111 –Hebdomadaire Sénégalais ( JANVIER 2013)
Nicolas Sarkozy et François Hollande. Crédits photos : Sources
A chaque président français sa guerre, serait-on tenté de dire avec cette crise malienne où les forces françaises sont intervenues pour chasser les islamistes qui occupent le nord du pays. Hier, Nicolas Sarkozy a défait le régime de Laurent Gbagbo avant de déstabiliser la Libye de Mouammar Kadhafi, aujourd’hui, c’est au tour de François Hollande d’étrenner sa guerre même si on ne désapprouve pas dans le fond une telle intervention salutaire pour nos pays exposés à la menace islamiste.
Le 20 octobre 2011, à Syrte, Mouammar Kadhafi est tué par des groupuscules appuyés par l’Otan. Cet assassinat marquait la fin d’une insurrection qui avait débuté depuis le 15 février 2011. Par conséquent, le 23 octobre 2011, le président du Conseil national de transition (CNT), M. Moustapha Abdel Jalil, pouvait proclamer la « libération » de la Libye, mettant officiellement fin à la guerre civile qui durait depuis huit mois. Les Touaregs qui combattaient aux côtés du colonel libyen rentrent au Mali avec armes sophistiquées, bagages et pécule. Cette guerre civile qui a déstabilisé la Libye provoquera, entre autres répercussions, l’éclatement d’une énième insurrection des Touaregs menés cette fois-ci par le Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA) contre le pouvoir central de Bamako.
L’offensive annexionniste des islamistes du MNLA, de Ansar Eddine, du Mujao
Et c’est ainsi que le 17 janvier 2012, les rebelles touaregs du MNLA, aidés par leurs frères revenus de Libye, lancent une offensive et occupent la ville d’Aguehok située dans le nord du Mali. Dans cette ville, des militaires maliens seront tués, décapités et affreusement mutilés. Les images de cette boucherie horrible sont postées sur le Net, ce qui contribuera à la fois à choquer les Maliens et à démoraliser leur armée. Durant sa conquête-éclair, le MNLA a attiré dans son sillage des groupes djihadistes. En premier lieu, Ansar Eddine (Défenseurs de la religion), commandé par Iyad Ag Ghali, un ancien chef rebelle touareg converti au salafisme, ensuite Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) dirigé par Abou Hamam, et enfin le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) dont le leader est le Mauritanien Hamada Ould Khaïrou. Cette déroute facile due à l’indigence des moyens de l’armée, excèdent les militaires maliens qui, sous la houlette du capitaine Amadou Haya Sanogo, déposent le président Amadou Toumani Touré le 22 mars. Profitant du chaos dans la capitale, les rebelles poursuivent leur avancée. Le 30 mars, Ansar Eddine, appuyé par le MNLA et des éléments d’Aqmi dont le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), s’empare de Kidal avant de prendre Gao le 31. Suit Tombouctou qui tombe dans l’escarcelle rebelle quelques jours après. Et bien qu’ils aient les mêmes visées expansionnistes, les ambitions des groupes qui occupent le Nord Mali ne tardent pas à s’entrechoquer. Le MNLA, qui se proclame laïque et modéré, a atteint son objectif qui est de contrôler l’Azawad (le grand Nord malien), dont il a déclaré l’indépendance le 1er avril. A contrario, le mouvement djihadiste Ansar Eddine a comme projet d’imposer la charia sur l’ensemble des territoires occupés voire le Mali tout entier. Quant à Aqmi et au Mujao, leur ambition est de déstabiliser l’ensemble des Etats de la région afin d’établir un grand émirat islamique au Sahel. Ainsi après la prise de Tombouctou, le mouvement touareg se fait évincer par les djihadistes d’Ansar Eddine, d’Aqmi et du Mujao qui ont comme objectif commun l’instauration d’un Etat islamiste avec comme constitution, la charia...
L’indécision des armées africaines
Au même moment, c’est l’imbroglio au sein du pouvoir central malien où le pouvoir sera finalement confié par les putschistes, sur pression de la Cedeao, au président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré. Au mois de juin 2012, les négociations entamées au Burkina Faso entre les forces d’occupation et le gouvernement malien n’ont pas donné de résultats probants devant la détermination des islamistes d’Ansar Eddine de pratiquer la charia dans le nord malien contrairement au MNLA qui prône un islam modéré avec le respect des libertés. D’ailleurs les djihadistes d’Ansar Eddine, d’Aqmi et du Mujao, sous le tropisme de l’obscurantisme, n’ont pas mis de temps pour appliquer dans les zones occupées leur charia très criminelle avec son lot de mutilations, lapidations, profanations de sanctuaires de saints etc. Plus radicaux, le Mujao et Aqmi n’ont même pas participé à cette rencontre de Ouagadougou. Auparavant, réunis le 5 avril à Abidjan, les chefs d’état-major de la Cedeao projettent les contours d’une force interafricaine de 2 000 à 3 000 hommes pour combattre les forces insurrectionnelles. Pourtant, dans les faits, les pays de la Cedeao ne se donnent pas les moyens de mettre sur pied cette force interafricaine. Si des pays comme le Benin, le Togo, le Nigeria sont prêts à envoyer des troupes, d’autres comme le Niger disent ne pouvoir envoyer que 100 hommes de même que le Sénégal qui, après avoir refusé dans un premier temps de participer à une force d’intervention au motif que beaucoup de militaires sénégalais étaient engagés sur divers théâtres d’opérations en Afrique, mais aussi en Casamance, a par la suite décidé d’envoyer des « Diambars » au Mali. Quant à la Côte d’Ivoire et au Liberia, ils disent ne pas être en mesure d’en envoyer. D’autres comme le Ghana, la Mauritanie et l’Algérie qui se sont prononcés sur la crise de façon mitigée ne semblent pas avoir l’intention d’envoyer des troupes. Finalement, Accra enverra 120 sapeurs du génie.
Le dilatoire de Ban-Ki Moon, l’arrogance de Sanogo, l’outrecuidance des islamistes
Le mardi 04 septembre, le président Dioncounda Traoré a officiellement fait parvenir une lettre au président Alassane Ouattara, président en exercice de la Cedeao, afin de demander l’intervention de l’organisation sous-régionale dans la résolution de la crise au nord de son pays. Une décision qui va à l’encontre de la position du capitaine Sanogo pour qui il n’est pas question qu’une force étrangère foule le sol du pays. Pour le président du Comité National de Restauration de la Démocratie (CNRDE), la seule aide acceptable pour son pays venant de la Cedeao serait logistique, parce que le Mali, selon lui, est souverain et serait capable de se défendre seul surtout s’il pouvait entrer en possession de sa commande d’armes bloquée au port de Conakry sur ordre de la Cedeao. Et au mois de septembre dernier, la crainte d’enlisement des Etats-Unis et le pessimisme de Ban Ki-Moon, qui demande avant toute opération militaire il y ait des négociations politiques et un dialogue, s’ajoutent aux positions mi-figue mi-raisin de la Cedeao. Laquelle tergiverse contrairement au président de l’Union africaine, Yayi Boni, qui déclare qu’il y a urgence à intervenir au Mali. Selon le secrétaire général de l’Onu, une solution militaire n’est envisageable qu’au mois de septembre 2013. Une telle position détonne avec les urgences de l’heure. Et ce n’est que le 12 octobre que l’ONU adopte à l’unanimité la résolution proposée notamment par la France le 26 septembre. Laquelle donne 45 jours aux pays ouest-africains pour préciser leurs plans en vue d’une intervention militaire. Pendant ce temps, les djihadistes, prévoyant une éventuelle attaque des forces internationales, se renforcent en armes et en hommes. Le 16 novembre, Ansar Eddine lance un appel au dialogue pour endormir les forces d’intervention internationales qui se préparent dans l’optique d’une guerre. Du côté de Bamako, le capitaine Sanogo continue de faire et de défaire le gouvernement malien avec l’éviction du Premier ministre Modibo Diarra le 11 décembre. Une situation qui favorise le renforcement des troupes islamistes, lesquelles se coalisent davantage pour lancer une attaque au-delà de la ligne de démarcation. Le 20 décembre, l’ONU donne son aval au déploiement d’une force internationale pour une durée d’un an en attendant l’organisation d’élections générales avant avril 2013. Et malgré les déclarations pacifistes du MNLA et d’Ansar Eddine, les hostilités sont déclenchées le 09 janvier par les djihadistes. Sont-ils piégés par l’armée malienne qui voulait les faire sortir de leur zone d’occupation pour mieux les combattre ou ont-ils voulu avec leur outrecuidance prendre les devants avec leurs armes modernes ? En tout cas, ils n’ont pas mis de temps pour venir à bout de l’armée malienne et conquérir la ville de Konna, près de Mopti. Entre le 10, le 11 et le 12 janvier 2013, les choses s’accélèrent. D’abord, l’ONU demande un déploiement rapide de la force internationale avant que le président Dioncounda Traoré n’adresse une lettre au président français François Hollande et une autre à l’ONU pour demander une aide militaire. Cette fois-ci, les éternels contradicteurs des résolutions onusiennes que sont la Chine et la Russie ont approuvé celle qui autorise la force d’intervention. Et c’est ainsi que l’armée malienne, appuyée par des forces françaises qui ont déclenché une opération « Serval », reprend le contrôle complet de Konna. Depuis lors, devant les bombardements intensifs de l’armée française, les islamistes battent en retraite. Devant la menace des djihadistes, les pays frontaliers du Mali, à l’exception de la Mauritanie et de l’Algérie, ont décidé d’envoyer des troupes en terre malienne pour empêcher l’effet boule de neige.
La duplicité de la France hollandienne
Cela dit, le rôle de la France, si salutaire soit-il, ne peut être exempt de critiques. S’il est vrai que huit otages français sont aux mains d’Aqmi, cela est loin d’être le soubassement de l’intervention musclée de l’Hexagone. La France de Hollande avait promis de ne plus se comporter en gendarme de l’Afrique. Mais aujourd’hui, les intérêts, la realpolitik internationale assimilent cette France hollandienne à celle de Sarkozy qui a détruit la Libye de Kadhafi et bombardé la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo au profit de son faire-valoir Alassane Ouattara. Le paradoxe est que ces forces rebelles qui n’ont pas jamais caché leur projet d’Etat islamiste et avec qui l’on a négocié — ou, en tout cas, avec qui l’on tenait vaille que vaille à entamer un dialogue — sont devenues subitement des terroristes, des narcotrafiquants, des coupeurs de mains, des violeurs de femmes, des saccageurs de sites culturels à exterminer. Qu’est-ce qui a réellement changé pour la France hollandienne avec son credo politique « neutraliste » au point quelle attaque les islamistes alors qu’elle avait parlé à l’Onu au mois de septembre 2012 d’une force de stabilisation avec au premier plan les forces de la Cedeao ? Qu’on ne nous dise pas que c’est pour protéger les 6000 ressortissants français sur le sol malien. Qu’on ne nous dise pas non plus que c’est pour restaurer l’intégrité territoriale du Mali, puisque tout récemment, avec la rébellion de la Séléka en Centrafrique, la France est restée sourde aux appels de détresse du potentat Bozizé. L’attitude de François Hollande à l’égard de la Centrafrique traduisait une réelle volonté du pouvoir exécutif français de se démarquer des politiques passées visant à maintenir à bout de bras des régimes illégitimes au nom de l’amitié et pour des raisons économiques. « Si nous sommes présents, ce n’est pas pour protéger un régime, c’est pour protéger nos ressortissants et nos intérêts et en aucune façon pour intervenir dans les affaires intérieures d’un pays » a déclaré le président français aux Centrafricains qui ont pris d’assaut l’ambassade française après son refus d’intercéder en faveur du despote Bozizé. Mais au point de vue géopolitique, le Mali pèse plus lourd que la Centrafrique. Et une éventuelle occupation des islamistes embraserait toute l’Afrique occidentale française qui pèse beaucoup dans l’économie de la France.
En plus, en ces moments où la cote de popularité du président français dégringole de plus en plus, une action d’envergure contre des islamistes, nonobstant les risques d’enlisement encourus, peut redorer son blason terni par le chômage croissant en France. Et faire remonter sa côte de popularité. Seulement voilà : Nicolas Sarkozy, malgré ses deux guerres sur le continent, n’est pas parvenu à remonter dans les sondages jusqu’à sa chute. Hollande subira-t-il le même sort ? On attend l’issue de cette guerre pour trouver la réponse.
Mollesse des armées africaines et inefficience des organisations sous-régionales et africaines
Toutefois il faut flétrir la mollesse des armées africaines qui, après plus de cinq décennies d’indépendance, ne parviennent pas à sécuriser leur territoire. Cette guerre au Mali met encore une fois à nu l’inefficience des organisations sous-régionales et africaines comme la Cedeao, la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEAC), la Communauté de développement des Etats d'Afrique australe (SADEC) qui ne peuvent rien faire pour s’opposer aux rébellions des islamistes en Afrique de l’ouest, de la Séléka et du M23 en Afrique centrale… La nature ayant horreur du vide, les forces colonialistes, sous le prétexte d’une résolution ou droit d’ingérence, imposeront toujours leur loi dans une Afrique théoriquement indépendante.
SERIGNE SALIOU GUEYE
« Le Témoin » N° 1111 –Hebdomadaire Sénégalais ( JANVIER 2013)
Le 20 octobre 2011, à Syrte, Mouammar Kadhafi est tué par des groupuscules appuyés par l’Otan. Cet assassinat marquait la fin d’une insurrection qui avait débuté depuis le 15 février 2011. Par conséquent, le 23 octobre 2011, le président du Conseil national de transition (CNT), M. Moustapha Abdel Jalil, pouvait proclamer la « libération » de la Libye, mettant officiellement fin à la guerre civile qui durait depuis huit mois. Les Touaregs qui combattaient aux côtés du colonel libyen rentrent au Mali avec armes sophistiquées, bagages et pécule. Cette guerre civile qui a déstabilisé la Libye provoquera, entre autres répercussions, l’éclatement d’une énième insurrection des Touaregs menés cette fois-ci par le Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA) contre le pouvoir central de Bamako.
L’offensive annexionniste des islamistes du MNLA, de Ansar Eddine, du Mujao
Et c’est ainsi que le 17 janvier 2012, les rebelles touaregs du MNLA, aidés par leurs frères revenus de Libye, lancent une offensive et occupent la ville d’Aguehok située dans le nord du Mali. Dans cette ville, des militaires maliens seront tués, décapités et affreusement mutilés. Les images de cette boucherie horrible sont postées sur le Net, ce qui contribuera à la fois à choquer les Maliens et à démoraliser leur armée. Durant sa conquête-éclair, le MNLA a attiré dans son sillage des groupes djihadistes. En premier lieu, Ansar Eddine (Défenseurs de la religion), commandé par Iyad Ag Ghali, un ancien chef rebelle touareg converti au salafisme, ensuite Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) dirigé par Abou Hamam, et enfin le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) dont le leader est le Mauritanien Hamada Ould Khaïrou. Cette déroute facile due à l’indigence des moyens de l’armée, excèdent les militaires maliens qui, sous la houlette du capitaine Amadou Haya Sanogo, déposent le président Amadou Toumani Touré le 22 mars. Profitant du chaos dans la capitale, les rebelles poursuivent leur avancée. Le 30 mars, Ansar Eddine, appuyé par le MNLA et des éléments d’Aqmi dont le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), s’empare de Kidal avant de prendre Gao le 31. Suit Tombouctou qui tombe dans l’escarcelle rebelle quelques jours après. Et bien qu’ils aient les mêmes visées expansionnistes, les ambitions des groupes qui occupent le Nord Mali ne tardent pas à s’entrechoquer. Le MNLA, qui se proclame laïque et modéré, a atteint son objectif qui est de contrôler l’Azawad (le grand Nord malien), dont il a déclaré l’indépendance le 1er avril. A contrario, le mouvement djihadiste Ansar Eddine a comme projet d’imposer la charia sur l’ensemble des territoires occupés voire le Mali tout entier. Quant à Aqmi et au Mujao, leur ambition est de déstabiliser l’ensemble des Etats de la région afin d’établir un grand émirat islamique au Sahel. Ainsi après la prise de Tombouctou, le mouvement touareg se fait évincer par les djihadistes d’Ansar Eddine, d’Aqmi et du Mujao qui ont comme objectif commun l’instauration d’un Etat islamiste avec comme constitution, la charia...
L’indécision des armées africaines
Au même moment, c’est l’imbroglio au sein du pouvoir central malien où le pouvoir sera finalement confié par les putschistes, sur pression de la Cedeao, au président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré. Au mois de juin 2012, les négociations entamées au Burkina Faso entre les forces d’occupation et le gouvernement malien n’ont pas donné de résultats probants devant la détermination des islamistes d’Ansar Eddine de pratiquer la charia dans le nord malien contrairement au MNLA qui prône un islam modéré avec le respect des libertés. D’ailleurs les djihadistes d’Ansar Eddine, d’Aqmi et du Mujao, sous le tropisme de l’obscurantisme, n’ont pas mis de temps pour appliquer dans les zones occupées leur charia très criminelle avec son lot de mutilations, lapidations, profanations de sanctuaires de saints etc. Plus radicaux, le Mujao et Aqmi n’ont même pas participé à cette rencontre de Ouagadougou. Auparavant, réunis le 5 avril à Abidjan, les chefs d’état-major de la Cedeao projettent les contours d’une force interafricaine de 2 000 à 3 000 hommes pour combattre les forces insurrectionnelles. Pourtant, dans les faits, les pays de la Cedeao ne se donnent pas les moyens de mettre sur pied cette force interafricaine. Si des pays comme le Benin, le Togo, le Nigeria sont prêts à envoyer des troupes, d’autres comme le Niger disent ne pouvoir envoyer que 100 hommes de même que le Sénégal qui, après avoir refusé dans un premier temps de participer à une force d’intervention au motif que beaucoup de militaires sénégalais étaient engagés sur divers théâtres d’opérations en Afrique, mais aussi en Casamance, a par la suite décidé d’envoyer des « Diambars » au Mali. Quant à la Côte d’Ivoire et au Liberia, ils disent ne pas être en mesure d’en envoyer. D’autres comme le Ghana, la Mauritanie et l’Algérie qui se sont prononcés sur la crise de façon mitigée ne semblent pas avoir l’intention d’envoyer des troupes. Finalement, Accra enverra 120 sapeurs du génie.
Le dilatoire de Ban-Ki Moon, l’arrogance de Sanogo, l’outrecuidance des islamistes
Le mardi 04 septembre, le président Dioncounda Traoré a officiellement fait parvenir une lettre au président Alassane Ouattara, président en exercice de la Cedeao, afin de demander l’intervention de l’organisation sous-régionale dans la résolution de la crise au nord de son pays. Une décision qui va à l’encontre de la position du capitaine Sanogo pour qui il n’est pas question qu’une force étrangère foule le sol du pays. Pour le président du Comité National de Restauration de la Démocratie (CNRDE), la seule aide acceptable pour son pays venant de la Cedeao serait logistique, parce que le Mali, selon lui, est souverain et serait capable de se défendre seul surtout s’il pouvait entrer en possession de sa commande d’armes bloquée au port de Conakry sur ordre de la Cedeao. Et au mois de septembre dernier, la crainte d’enlisement des Etats-Unis et le pessimisme de Ban Ki-Moon, qui demande avant toute opération militaire il y ait des négociations politiques et un dialogue, s’ajoutent aux positions mi-figue mi-raisin de la Cedeao. Laquelle tergiverse contrairement au président de l’Union africaine, Yayi Boni, qui déclare qu’il y a urgence à intervenir au Mali. Selon le secrétaire général de l’Onu, une solution militaire n’est envisageable qu’au mois de septembre 2013. Une telle position détonne avec les urgences de l’heure. Et ce n’est que le 12 octobre que l’ONU adopte à l’unanimité la résolution proposée notamment par la France le 26 septembre. Laquelle donne 45 jours aux pays ouest-africains pour préciser leurs plans en vue d’une intervention militaire. Pendant ce temps, les djihadistes, prévoyant une éventuelle attaque des forces internationales, se renforcent en armes et en hommes. Le 16 novembre, Ansar Eddine lance un appel au dialogue pour endormir les forces d’intervention internationales qui se préparent dans l’optique d’une guerre. Du côté de Bamako, le capitaine Sanogo continue de faire et de défaire le gouvernement malien avec l’éviction du Premier ministre Modibo Diarra le 11 décembre. Une situation qui favorise le renforcement des troupes islamistes, lesquelles se coalisent davantage pour lancer une attaque au-delà de la ligne de démarcation. Le 20 décembre, l’ONU donne son aval au déploiement d’une force internationale pour une durée d’un an en attendant l’organisation d’élections générales avant avril 2013. Et malgré les déclarations pacifistes du MNLA et d’Ansar Eddine, les hostilités sont déclenchées le 09 janvier par les djihadistes. Sont-ils piégés par l’armée malienne qui voulait les faire sortir de leur zone d’occupation pour mieux les combattre ou ont-ils voulu avec leur outrecuidance prendre les devants avec leurs armes modernes ? En tout cas, ils n’ont pas mis de temps pour venir à bout de l’armée malienne et conquérir la ville de Konna, près de Mopti. Entre le 10, le 11 et le 12 janvier 2013, les choses s’accélèrent. D’abord, l’ONU demande un déploiement rapide de la force internationale avant que le président Dioncounda Traoré n’adresse une lettre au président français François Hollande et une autre à l’ONU pour demander une aide militaire. Cette fois-ci, les éternels contradicteurs des résolutions onusiennes que sont la Chine et la Russie ont approuvé celle qui autorise la force d’intervention. Et c’est ainsi que l’armée malienne, appuyée par des forces françaises qui ont déclenché une opération « Serval », reprend le contrôle complet de Konna. Depuis lors, devant les bombardements intensifs de l’armée française, les islamistes battent en retraite. Devant la menace des djihadistes, les pays frontaliers du Mali, à l’exception de la Mauritanie et de l’Algérie, ont décidé d’envoyer des troupes en terre malienne pour empêcher l’effet boule de neige.
La duplicité de la France hollandienne
Cela dit, le rôle de la France, si salutaire soit-il, ne peut être exempt de critiques. S’il est vrai que huit otages français sont aux mains d’Aqmi, cela est loin d’être le soubassement de l’intervention musclée de l’Hexagone. La France de Hollande avait promis de ne plus se comporter en gendarme de l’Afrique. Mais aujourd’hui, les intérêts, la realpolitik internationale assimilent cette France hollandienne à celle de Sarkozy qui a détruit la Libye de Kadhafi et bombardé la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo au profit de son faire-valoir Alassane Ouattara. Le paradoxe est que ces forces rebelles qui n’ont pas jamais caché leur projet d’Etat islamiste et avec qui l’on a négocié — ou, en tout cas, avec qui l’on tenait vaille que vaille à entamer un dialogue — sont devenues subitement des terroristes, des narcotrafiquants, des coupeurs de mains, des violeurs de femmes, des saccageurs de sites culturels à exterminer. Qu’est-ce qui a réellement changé pour la France hollandienne avec son credo politique « neutraliste » au point quelle attaque les islamistes alors qu’elle avait parlé à l’Onu au mois de septembre 2012 d’une force de stabilisation avec au premier plan les forces de la Cedeao ? Qu’on ne nous dise pas que c’est pour protéger les 6000 ressortissants français sur le sol malien. Qu’on ne nous dise pas non plus que c’est pour restaurer l’intégrité territoriale du Mali, puisque tout récemment, avec la rébellion de la Séléka en Centrafrique, la France est restée sourde aux appels de détresse du potentat Bozizé. L’attitude de François Hollande à l’égard de la Centrafrique traduisait une réelle volonté du pouvoir exécutif français de se démarquer des politiques passées visant à maintenir à bout de bras des régimes illégitimes au nom de l’amitié et pour des raisons économiques. « Si nous sommes présents, ce n’est pas pour protéger un régime, c’est pour protéger nos ressortissants et nos intérêts et en aucune façon pour intervenir dans les affaires intérieures d’un pays » a déclaré le président français aux Centrafricains qui ont pris d’assaut l’ambassade française après son refus d’intercéder en faveur du despote Bozizé. Mais au point de vue géopolitique, le Mali pèse plus lourd que la Centrafrique. Et une éventuelle occupation des islamistes embraserait toute l’Afrique occidentale française qui pèse beaucoup dans l’économie de la France.
En plus, en ces moments où la cote de popularité du président français dégringole de plus en plus, une action d’envergure contre des islamistes, nonobstant les risques d’enlisement encourus, peut redorer son blason terni par le chômage croissant en France. Et faire remonter sa côte de popularité. Seulement voilà : Nicolas Sarkozy, malgré ses deux guerres sur le continent, n’est pas parvenu à remonter dans les sondages jusqu’à sa chute. Hollande subira-t-il le même sort ? On attend l’issue de cette guerre pour trouver la réponse.
Mollesse des armées africaines et inefficience des organisations sous-régionales et africaines
Toutefois il faut flétrir la mollesse des armées africaines qui, après plus de cinq décennies d’indépendance, ne parviennent pas à sécuriser leur territoire. Cette guerre au Mali met encore une fois à nu l’inefficience des organisations sous-régionales et africaines comme la Cedeao, la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEAC), la Communauté de développement des Etats d'Afrique australe (SADEC) qui ne peuvent rien faire pour s’opposer aux rébellions des islamistes en Afrique de l’ouest, de la Séléka et du M23 en Afrique centrale… La nature ayant horreur du vide, les forces colonialistes, sous le prétexte d’une résolution ou droit d’ingérence, imposeront toujours leur loi dans une Afrique théoriquement indépendante.
SERIGNE SALIOU GUEYE
« Le Témoin » N° 1111 –Hebdomadaire Sénégalais ( JANVIER 2013)